Un article qui n'est pas de moi et qui déroge exceptionnellement à la thématique du polar :
David Foenkinos continue de traiter de la dualité chez l’être humain. Il fait cohabiter humour et désespoir en un même personnage. Bernard, l’anti-héros ( première dualité ), nous raconte sa dégringolade conjugale, professionnelle et sociale ( Après la pluie, c’est encore la pluie ). Mais il empêche le lecteur de sombrer avec lui en ponctuant sa narration de pointes d’humour. L’auteur fait de cet homme moderne, victime de la crise financière actuelle, un être humain intemporel par l’angoisse de la solitude qui l’étreint. C’est un homme normal, il le dit lui-même. L’homme normal ne peut-il donc pas affronter les difficultés de la vie quand elles se présentent ? L’homme normal aime mais ne sait pas exprimer son amour, vit mais n’a pas de passion, agit mais sans rien choisir de ses actions. Il est porté par le monde et croit connaître le bonheur. Survient alors un évènement si normal soit-il tel que le départ momentané de son enfant et l’équilibre est rompu et c’est la chute irrémédiable vers le néant, vers la solitude. Cette solitude qu’il pressent, qu’il redoute tant car il ne peut la fuir, s’en protéger que par le verbe, l’expression. Mais, pour cela, il lui aurait fallu apprendre à communiquer ses sentiments, à se livrer. Bernard ne sait pas dire son amour car ses parents n’ont jamais su lui dire le leur. Peut-on aimer quand on ne vous a jamais appris à le faire ? Ne peut-on pas dire les choses ?
L’amour ne devrait-il pas s’apprendre comme on apprend à lire, à écrire, à se battre ? La normalité suppose-t-elle la réserve, la discrétion, l’effacement ? Et la passion reste-t-elle l’apanage des « anormaux » ? Un roman très actuel, passionnant que je recommande vivement à toute personne cherchant à savoir qui elle est.
Chronique rédigée par Joëlle Bernier
La tête de l’emploi, de David Foenkinos, Editions J’ai lu, décembre 2013, 285 pages, 13 € 50.