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11 octobre 2013 5 11 /10 /octobre /2013 11:17

Naguère, j'avais publié sur Facebook un excellent article du magazine L'Express consacré à la cuisine dans le polar. Voici le lien avec cet article : http://www.lexpress.fr/culture/livre/le-polar-se-met-a-table_804097.html?fb_action_ids=315220815260614&fb_action_types=og.recommends&fb_source=aggregation&fb_aggregation_id=288381481237582

Je voudrais à présent illustrer cet article avec un extrait de mon prochain polar, "Rejoins la meute", à paraître au cours de cet hiver. La scène se déroule dans l'auberge cévenole où mon équipe de policiers, sous la conduite du commissaire Payardelle, est amenée à séjourner le temps de l'enquête.

 

J'aime introduire dans mes polars des scènes qui regroupent mes personnages autour d'une table et d'un bon repas. Quand ils ne sont pas au restaurant, mes personnages vivent un moment de partage gastronomique chez l'un d'eux comme le second extrait tiré de mon précédent polar "Portrait-robot" ( L'Harmattan, mars 2013 ) dans lequel mon enquêteur, le capitaine Tragos, séjourne chez un ancien gendarme qui lui fait goûter une spécialité ardennaise.

Premier extrait ( Rejoins la meute ) :

   " Le ton était donné. Cette enquête allait ressembler à un travail d’archéologue. Gratter pour trouver d’infimes fragments, les répertorier, les examiner, afin de déceler le moindre indice qui permettrait de les relier au reste et prier pour qu’un morceau plus conséquent que les autres les aide à rassembler un pan plus large de la vérité. A quatre et en moins de quatre mois, le pari était audacieux.

    La saucisse à l’aligot aurait largement suffi, surtout le soir, mais la patronne insista pour leur servir le menu complet. « Plateau de fromages ou dessert maison ! », avait-elle claironné fièrement, en leur apportant à nouveau la carte. Si les îles flottantes, fondants à la crème de châtaigne et autres tartes Tatin parvenaient encore à leur titiller les papilles, ils se rallièrent à l’avis de Marco, qui proposa d’opter pour le plateau de fromages. Non pas parce qu’ils n’aimaient pas le sucré mais parce que la troisième bouteille du délicieux nectar des Alpilles était encore à moitié pleine et que, comme l’avait mentionné justement César, ils avaient suffisamment de crimes sur les bras pour ne pas en commettre un autre, œnologique celui-là. Au milieu des rires qui fusaient et malgré le verbe haut de Marco et de César, la restauratrice parvint à comprendre qu’ils avaient opté pour le fromage. Leurs échanges bruyants ne semblaient pas gêner les autres clients, dans le brouhaha général de la salle de restaurant où la température était montée d’un cran. Quelques instants plus tard, elle leur apportait un énorme plateau de fromages, aux trois-quarts garni de spécialités des Cévennes, qu’elle prit un plaisir gourmand à leur présenter une à une. C’était visiblement une bonne nature, ravie de récupérer dans son auberge cette bande de joyeux drilles qui allait faire tourner à plein régime son hôtel pendant plusieurs semaines et ajouter de la vie dans un restaurant où l’ambiance n’avait pas coutume d’être feutrée."

 

Second extrait ( Portrait-robot ) :

 

"Tragos remarqua que Delmas parlait à la première personne du pluriel, comme si son épouse était toujours là. Cet ancien officier qui avait, en son temps, exercé le commandement sur les brigades de la circonscription des Ardennes avait l’allure bonnasse d’un simple brigadier. Tragos le trouvait touchant et se prenait d’affection pour ce brave type qui l’accueillait à bras ouverts et se réjouissait de lui faire goûter son meilleur vin et les spécialités de sa région. Rien à voir avec un Maccari bourré d’ambition. Aussi sympathique mais radicalement différent. Intelligent toutefois, beaucoup plus que ne pouvait le laisser supposer sa bonhomie trompeuse.  

 

    Tragos eut droit à la recette de la bayenne. Avec des airs et un phrasé dignes d’un Raymond Oliver, Delmas commentait, avec force détails, chacune des étapes de la confection de ce plat qu’il présenta comme celui du pauvre.

 

    - Il faut des pommes de terre nouvelles, des quarantaines comme on les appelle ici. Je les coupe en deux dans le sens de la longueur, sans ôter la pelure. Je les saupoudre bien de poivre noir et je les dispose dans le fond de ma cocotte. Une cocotte en fonte, de préférence. Ensuite, je découpe mes oignons en fines lamelles dont je recouvre mes pommes de terre. Je superpose une nouvelle couche à la précédente et je termine en mettant un peu d’ail et de poivre. Je mets le tout sur feu vif puis progressivement à feu doux. Il faut bien fermer le couvercle car mes pommes de terre doivent cuire dans la vapeur. Au bout de trente à quarante minutes, quand je sentirai une légère odeur de brûlé, je saurai que ma bayenne est prête.

 

    Tragos ne pipait mot et se contentait d’appliquer les consignes du chef.    La truite avait été évidée, écaillée et plongée dans un bouillon que Delmas n’avait pas hésité à préparer avec une bouteille de Saint-Véran qu’il avait laissée à demi-vide. Tragos l’écoutait religieusement, officiant tel un marmiton obéissant, secondant avec zèle son chef de cuisine au faciès rougi par le plaisir, par la chaleur de la cuisinière et par le Saint-Véran dont il venait déjà d’engloutir deux verres, prétextant qu’on ne pouvait laisser perdre un vin de cette qualité, même s’il ne pouvait rivaliser avec le Sancerre. Le policier, à qui Delmas avait déjà versé deux rasades de ce précieux breuvage, commençait à s’inquiéter autant qu’à se réjouir de la suite de la soirée et entrevoyait de plus en plus le recours à la chambre d’ami comme la seule issue raisonnable."

 

 

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