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3 juillet 2013 3 03 /07 /juillet /2013 16:18

Le pas de porte où Claire A exposait ses toiles était situé au rez-de-chaussée d’une maison de village qui donnait à l’arrière sur un paysage vallonné et paisible. Partout, aux murs et à même le sol, ses dernières créations étaient à la portée de tous ceux qui, un brin connaisseurs et financièrement à l’aise, pouvaient investir dans une peinture dont François était convaincu qu’elle finirait un jour par être l’une des plus belles cotes du marché et par se vendre dans le monde entier. Il avait déploré que cette jeune artiste surdouée en fût réduite à sacrifier partiellement à une peinture alimentaire, avec quelques toiles consenties au goût du grand public et qui tranchaient avec les œuvres qu’elles côtoyaient et où explosait son véritable talent. Le marasme du marché en avait décidé ainsi et les plus grands dans l’histoire de la peinture en avaient été réduits, à un moment ou à un autre, à ce type d’expédients. Il avait eu une pensée pour Jane qui aurait aimé le triptyque aux poires qui éclaboussait de sa splendeur l’entrée de l’atelier et qu’il avait acheté contre mille euros, en se promettant de lui en réserver la surprise dès que cette affaire serait terminée. Il goûtait avec un plaisir avide à cette escapade dans l’un des plus beaux endroits de la montagne provençale d’où l’on pouvait admirer à des dizaines de kilomètres à la ronde, et presque jusqu’aux rives de la Méditerranée, la beauté ondulante du massif des Maures. Il avait retrouvé un peu de sérénité, fait une pause dans un parcours agité dont il sentait la fin proche sans savoir si elle serait ou non l’issue dramatique qu’il redoutait.

 

Nature-morte-aux-coings--de-Claire-O--3--copie-1.jpg

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2 juillet 2013 2 02 /07 /juillet /2013 15:13

Le temps d’une chronique, je quitte les polars écrits pour évoquer une série policière qui vient d’apparaître dans l’univers télévisuel et qui crève l’écran sur TF1. Je veux parler de Falco, cette remarquable réalisation qui domine de loin tout ce qu’on a pu nous servir récemment comme séries à la télévision. Un flic sorti d’un coma de 22 ans renaît à la vie et se voit contraint, pour reprendre son boulot de policier, de s’adapter à un monde totalement nouveau pour lui dans lequel les nouvelles technologies sont reines et où les méthodes policières ne sont plus les mêmes. Son co-équipier ne le voit pas arriver avec beaucoup d’enthousiasme et l’on a le sentiment que cette collaboration risque fort d’être un fiasco. Pour autant, Falco ( magistralement interprété par Sagamore STEVENIN ) se montre d’une efficacité redoutable et, au fil des premiers épisodes, des liens de sympathie et de complicité se nouent entre les deux hommes. Parallèlement, comme dans toutes les séries policières qui se respectent, Falco se retrouve aux prises avec une vie privée forcément très compliquée puisqu’entre-temps sa femme s’est retrouvée un compagnon et sa fille a grandi sans lui. C’est une série passionnante animée par des personnages attachants au premier rang desquels un Sagamore STEVENIN éblouissant de talent. J’espère que TF1 maintiendra cette série qui devrait connaître un grand succès d’audience.

Falco, sur TF1, le jeudi, à 20 h 50.

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30 juin 2013 7 30 /06 /juin /2013 19:52

David Harwood est journaliste dans un canard local et coule des jours paisibles entre sa femme Jan et Ethan son fils de quatre ans. Tout semble aller pour le mieux quand Jan se met brusquement à changer. Elle a l’air de plus en plus dépressive et commence à évoquer le suicide. David qui se rend compte qu’il lui faut peut-être consacrer davantage de temps à sa famille projette de les emmener dans un parc d’attractions. C’est là que jan disparaît sans crier gare. Pour David, c’est le début d’une véritable descente aux enfers. Connaissait-il vraiment sa femme depuis cinq ans qu’ils étaient mariés ? Qu’est-elle devenue ? Fugue ? Enlèvement ? Suicide ? Voici résumée en quelques mots cette histoire extravagante, au rythme endiablé qui va, durant 507 pages, entraîner le lecteur dans un véritable tourbillon. Rien à envier aux précédents opus de Linwood Barclay. Mieux encore, un suspense prenant, un rythme haletant, des rebondissements permanents, une intrigue à vous couper le souffle. Linwood Barclay s’est surpassé et nous offre là une nouvelle petite merveille de thriller. Un roman qu’on n’a pas envie de lâcher.   

 

Ne la quitte pas des yeux, de Linwood Barclay, Ed. J’ai Lu, août 2012, 507 pages, 7 euros 90.

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29 juin 2013 6 29 /06 /juin /2013 09:22

L’intrigue repose sur le fait que des citoyens américains ont reçu des cartes postales leur indiquant le jour de leur mort. Cette prédiction s’est réalisée. Un flic alcoolique, proche de la retraite, est chargé de cette affaire. Cette étrange enquête va le faire plonger dans une histoire à la fois politique et fantastique qui balade le lecteur entre plusieurs époques, du Moyen-âge à nos jours en passant par les années d’après-guerre et fait s’entrecroiser des personnages aussi divers que Churchill, des moines copistes de l’île de Wight et les acteurs du mystère de la base de Roswell. Il va découvrir une gigantesque machination. Glenn Cooper nous livre là un roman original mais complexe qui fonctionne comme un puzzle dans lequel il faut s’accrocher pour ne pas perdre le fil. L’intrigue est bien construite, le suspense toujours maintenu. Le dénouement est à la hauteur du roman. Certes, ce polar s’inscrit dans la lignée devenue traditionnelle des romans ésotérico-policiers tels Le Da Vinci code ou encore Les cathédrales du vide. Rien d’extrêmement original donc dans le principe mais l’histoire est tout-de-même innovante. Pour un premier roman, c’est une belle réussite. Bravo monsieur Cooper.

Le livre des morts, de Glenn Cooper, Ed. Pocket, février 2011, 506 pages, 7 euros 70.

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23 juin 2013 7 23 /06 /juin /2013 11:59

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Côté « gore », rien à envier au précédent opus de Franck Thilliez que j’ai lu récemment, à savoir « Train d’enfer pour ange rouge ». Je dirais même que « La chambre des morts » l’est peut-être davantage encore. Un enlèvement avec demande de rançon, deux fondus qui roulent pied au plancher dans un champ d’éoliennes et qui percutent un homme, le tuant sur le coup. Une mallette contenant deux millions d’euros en petites coupures. La discorde qui s’installe entre les deux chauffards. Un malade mental, le ravisseur, qui a tout vu et qui veut récupérer l’argent de la rançon. Ainsi commence, un curieux chassé-croisé. Schéma somme toute banal qui pourrait être le point de départ d’un thriller ou d’un polar classique mais, avec Thilliez, rien de tout cela, car le ravisseur est un psychopathe sanguinaire qui va aider l’auteur à entraîner le lecteur dans le tréfonds de ce que l’âme humaine peut avoir de plus sordide, de plus glauque. Un parcours au cœur de l’univers de la torture. Malgré le déferlement d’une violence sadique à provoquer un enchaînement de haut-le-cœur, on arrive, encore une fois grâce au talent de Thilliez, à surmonter son dégoût pour se laisser porter par un suspense permanent. En même temps, c’est un hymne à la région du Nord et une restitution parfaite de l’atmosphère du pays des corons qui nous sont offerts. Mon second Thilliez ne m’a pas déçu mais j’aspire, pour ma prochaine lecture, à quelque chose de plus soft, histoire de me laisser le temps de digérer le trop-plein d’hémoglobine et de souffrance qui déborde de ce thriller qui semble avoir été écrit avec la panoplie d’un thanatopracteur.

 

La chambre des morts, de Franck THILLIEZ, Ed. POCKET, décembre 2012, 342 pages,  6 euros 70.

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19 juin 2013 3 19 /06 /juin /2013 15:42

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Un flic dont la femme a disparu depuis six mois est confronté à un tueur psychopathe qui fait subir à ses victimes des tortures abominables en les filmant. Voilà le protocole de ce thriller. Je l’avoue, c’est mon premier Franck Thilliez et, à coup sûr, ce ne sera pas le dernier. Le sujet n’est pas d’une grande originalité. Ce thème a déjà été traité moult fois. Néanmoins, rarement, je n’ai été autant séduit par une intrigue, aussi captivé par un suspense constamment renouvelé, ni pareillement aspiré dans une action de tous les instants. On ne s’ennuie pas dans ce thriller et le côté « gore » annoncé par les commentaires et que laisse pressentir le texte de quatrième de couverture passe assez bien. On n’a pas le sentiment d’une description complaisante des scènes de torture malgré leur aspect réaliste. C’est sans doute dû au talent de l’auteur. L’écriture est agréable, fluide et la construction du récit est d’une précision et d’une rigueur chirurgicales. Frank Thilliez fait profiter le lecteur d’un travail de documentation imposant sur tout ce qui concerne les méthodes de police scientifique et la médecine légale. Le suspense est maintenu jusqu’au dernier chapitre et le dénouement inattendu. Pas vraiment de happy end mais ce type de récit en appelait-il vraiment une ? De Fred Vargas à Karine Giebel, en passant par Lindwood Barclay, le spectre de la littérature policière est large et mes goûts en la matière éclectiques. Franck Thilliez vient d’y trouver à mes yeux une place de choix. Je comprends la fascination de ceux qui m’en ont parlé. A recommander aux amateurs de thrillers qui associent étroitement puissance du suspense et intensité de l’action.

Train d’enfer pour ange rouge, de Franck THILLIEZ, Ed. Pocket, février 2012, 456 pages, 6 euros 70.

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16 juin 2013 7 16 /06 /juin /2013 10:06

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Lire du Donna Leon après avoir dévoré du Linwood Barclay, c’est un peu comme passer du cours impétueux du Verdon au cours paisible de la Loire. Autant l’un nous entraîne dans les remous du suspense, autant l’autre nous promène au fil d’une aventure policière des plus paisibles. Avec « La petite fille de ses rêves », le lecteur découvre à petites touches répétées une enquête qui emprunte les méandres de la vie tranquille du commissaire Brunetti, dans une Venise surprenante, loin des clichés touristiques. Le corps d’une fillette est retrouvé flottant sur les eaux du Grand Canal. Que lui est-il arrivé car, apparemment, elle s’est simplement noyée ? C’est une jeune Rom dont sa communauté s’est visiblement peu souciée de sa disparition. Brunetti va s’engager dans une enquête délicate, freinée par sa hiérarchie. Parallèlement, à la demande d’un membre du clergé, il conduit des investigations officieuses sur un prétendu religieux charismatique, soupçonné d’escroquer ses adeptes. Donna Leon prend le temps de créer une atmosphère et de camper décor et personnages avant que ne démarre véritablement l’action. En effet, le corps de la fillette n’est découvert qu’à la page 124. Brunetti prend son temps, nous invitant à suivre son existence quotidienne entre sa femme, ses enfants et ses riches beaux-parents. On retrouve, beaucoup plus au sud, des accents de certains polars nordiques. Venise remplace Goeteborg mais il y a du Wallander qui sommeille derrière le commissaire Brunetti. Un peu plus fringant sans doute et moins accablé par les tourments d’une vie personnelle agitée mais aussi plongé dans la quotidienneté d’une existence qui, par moments, prend le pas sur l’intrigue policière. La fin qui prend une coloration politique et sociale est légèrement décevante. C’est le premier Donna Leon que je lis et il faudra que j’y revienne en espérant corriger une première approche qui se situe entre le coup de cœur et l’impression mitigée.

La petite fille de ses rêves, de Donna LEON, Ed. points, 2012, 326 pages, 7 euros 30.

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11 juin 2013 2 11 /06 /juin /2013 09:54

Charleville-Mezières, le 14 juillet 1996,

 

    Marthe ne connaissait plus ni week-ends, ni jours fériés. Désormais, elle se rendait à l’hôpital de façon quotidienne. Plus de jours de repos. Elle travaillait sans relâche. Ses collègues s’étonnaient de cette assiduité qu’ils assimilaient à un zèle suspect. Le peu de sympathie qu’elle suscitait dans le service avait fini par s’évanouir. On n’aime pas ceux qui s’écartent de la norme. Isambert, lui, s’en inquiétait. Le psychiatre voyait d’un mauvais œil ce surinvestissement et redoutait plus que tout de voir l’infirmière glisser dans une empathie trop forte avec sa protégée.

    - Ma chère Marthe, il convient de conserver une distance avec les patients, surtout avec ceux du type de Juliette Laffont. Il n’y a rien de plus dangereux que la dérive fusionnelle dans laquelle vous êtes engagée. Pour elle, comme pour vous. Vous êtes trop proche d’elle, vous allez vous brûler les ailes.

    Il avait dit cela sur un ton paternaliste, protecteur, comme le simple conseil d’un praticien expérimenté à une jeune infirmière trop investie dans sa mission mais Marthe savait qu’au besoin, il n’hésiterait pas un seul instant à intervenir avec fermeté. Il pouvait tout simplement l’écarter de la chambre 12, pour l’affecter à un autre service. C’était la pire chose qui pouvait lui arriver. De cela, Marthe ne voulait à aucun prix. Elle préféra jouer franc jeu. Elle demanda et obtint une entrevue avec son chef de service.

    Isambert accepta de la recevoir le jour de la Fête nationale. Une date bizarre pour une telle rencontre. En fait, il était comme elle, scotché à son service, négligeant sa vie familiale pour consacrer l’essentiel de son temps à ses malades. On racontait qu’il était en instance de divorce, que sa femme ne supportait plus de le voir passer ses journées et une partie de ses soirées à l’hôpital. Il pouvait difficilement reprocher à Marthe sa présence sur son lieu de travail. Cela ne faisait d’ailleurs pas partie de ses intentions. Ce qui le tracassait, c’était le côté fusionnel de la relation qui s’était établie entre les deux femmes. Une complicité qui échappait à son contrôle depuis qu’il avait autorisé l’infirmière à gérer elle-même la périodicité du traitement et jusqu’à sa posologie, la dimension la plus technique, celle qui relevait strictement de la compétence du médecin. Quelle imprudence il avait commise ! Dans quelle folie s’était-il engagé ? Et, surtout, comment allait-il pouvoir changer le cours des choses ?

    Marthe s’assit devant l’immense bureau gris sur lequel s’amoncelaient les dossiers qu’Isambert n’avait pas le temps de ranger et, pour tout dire, que son tempérament naturellement désordonné ne l’inclinait pas à mettre en ordre. Sa secrétaire avait renoncé à lui forcer la main. Elle avait adopté la nonchalance de son patron comme un mode de vie commode et agréable. Puisque lui s’en accommodait, pourquoi pas elle ? D’ailleurs, aurait-il supporté qu’elle vînt se mêler de ce qui se trouvait sur son bureau ? Les dossiers s’entassaient et il répugnait à leur consacrer le temps que ceux-ci réclamaient. Son truc, c’était la proximité des malades, l’entretien qui lui permettait de pénétrer les âmes, de mettre à nu leur subconscient. Les relevés d’analyse, les prescriptions médicamenteuses, l’analyse des effets des traitements ne l’intéressaient que médiocrement. Tout au plus y consacrait-il le minimum de temps nécessaire à la bonne gestion de son service, c’est-à-dire au suivi de ses patients. Il prescrivait parce qu’il fallait bien le faire mais il déléguait l’essentiel de ce travail de soin au personnel infirmier. Par contre, il raffolait des  séances de psychothérapie qui étaient devenues son activité principale. Il ne se lassait pas de ces plongées dans le subconscient de ses malades. Il avait gardé en mémoire les propos de l’un de ses anciens chefs de clinique : « Le cerveau de la plupart de nos patients ressemble à Beyrouth. Il faut parvenir à trouver le Passage du Musée. » Il avait consacré sa carrière à chercher ce passage, convaincu que les traitements chimiques n’étaient que des palliatifs et le temps un escroc de première. Maintes fois, il regrettait de n’avoir pas ouvert une officine de psychothérapeute. Non seulement, il aurait fait fortune mais il aurait pu se consacrer à plein temps à se mouvoir dans les méandres de leur subconscient alors qu’ici, il ne faisait que veiller sur des âmes mortes. Certaines acceptaient de se livrer, de lui parler de leurs souffrances et l’autorisaient, l’espace de quelques séances, à pénétrer leur intimité psychique. Il n’en tirait en général qu’un maigre résultat, un soulagement passager de ses patients, avant le retour dans la douleur profonde qui les tenait, soit dans une prostration totale, soit dans des bouffées délirantes. L’essentiel de leur traitement résidait dans le médicamenteux, la chimie, ce compartiment de la médecine qui l’ennuyait et qui alimentait les dossiers amoncelés sur son bureau.

    Il avait fondé sur le cas de Juliette Laffont de grands espoirs. Elle avait assassiné ses parents. Cet acte, hautement symbolique, lui ouvrait les portes d’une aventure thérapeutique hors du commun. Il représentait à lui seul la quintessence du rêve freudien. Mettre à jour les circonstances particulières qui avaient, chez cette jeune fille, ressuscité le crime d’Œdipe, il y avait là matière à l’une des plus belles études dont Freud lui-même n’eût osé rêver. Mais Juliette Laffont lui avait échappé. Malgré l’amertume causée par cet échec, il avait assez de lucidité pour admettre que cette gamine qui se tenait devant lui, bardée d’un simple diplôme d’infirmière et d’un semblant de spécialisation, était en passe de réussir là où il avait échoué. Ce petit bout de femme, assise en face de lui avec sa mine contrite, était en train de ramener à la vie une patiente qu’il croyait à tout jamais perdue dans les arcanes de la folie, dans le Beyrouth où l’on ne pouvait pénétrer. Il fallait admettre que le Passage du Musée n’était accessible qu’au prix de renoncements ou, plus exactement de concessions, comme la confiance aveugle accordée à Marthe. Pour accéder au Beyrouth secret, il avait besoin d’un passeur et la jeune infirmière remplissait cet office. Beaucoup de choses rapprochaient les deux femmes : leur âge, leur hypersensibilité et sans doute beaucoup d’autres traits de caractère. Marthe n’avait pas eu besoin de recourir à quelque technique que ce fût pour gagner la confiance de Juliette. Douceur, patience et disponibilité avaient été les ingrédients de base de cette reconquête. Marthe souhaitait lui parler et il n’avait jamais été aussi impatient de l’entendre. Il toussota, prit un coupe-papier qu’il tritura pour se donner une contenance et invita l’infirmière à prendre la parole.

    - Vous avez souhaité me parler. Je vous écoute. Comment va notre patiente ?

    Marthe était décidée à ne pas emprunter de détours pour aborder le cœur du sujet.

    - Plutôt bien. Je dirais même très bien puisqu’elle a commencé à parler. 

    Le psychiatre bondit sur son siège.

    - Comment cela ? s’exclama-t-il, elle parle et vous ne m’avez rien dit ! Depuis quand ?

    Marthe sentit son visage s’empourprer. Qu’importait ! Il fallait assumer.

    -  Depuis environ un mois. Je ne vous ai rien dit parce qu’elle me l’a demandé. J’ai eu peur de tout compromettre en la trahissant.

    Isambert cherchait à dominer sa colère. Néanmoins, sa voix tremblait. 

    - Etes-vous consciente de la gravité de votre comportement ? Vous auriez pu me faire confiance. J’aurais été capable de garder pour moi votre confidence. Ne vous ai-je pas accordé suffisamment ma confiance pour être payé de retour ?

    - Pardonnez-moi ce qui est certainement de ma part une faute mais c’est précisément en raison de cette confiance que vous m’accordiez que j’ai pris cette initiative. Sans cette confiance, jamais je ne serais parvenue à ce résultat.

    En même temps qu’il l’écoutait, Isambert commençait à comprendre les raisons qui avaient conduit sa collaboratrice à se montrer aussi assidue depuis plusieurs semaines. La jeune femme avait compris la nécessité d’une présence continue, d’une régularité sans faille dans la communication avec la patiente, pour gagner sa confiance, la maintenir et l’amener à s’ouvrir. C’était sans doute une leçon de ténacité et de modestie à méditer. Finalement, cette femme lui ressemblait par bien des côtés. Avec quelques années d’études supplémentaires, elle aurait sans doute fait une excellente thérapeute.

    -  Est-il indiscret de vous demander ce qu’elle vous a confié ?

    - En fait, pas grand’chose. Il semblerait qu’elle ait vécu un épisode traumatisant dans son enfance, vers l’âge de dix ans. Une histoire que ses parents auraient étouffée. Je n’ai pas réussi à en savoir davantage. Elle s’exprime par images, ne nomme pas clairement les choses. Son discours semble codé et je ne dispose pas des clefs. Je crains qu’il s’agisse d’une affaire de violences, voire d’abus sexuels.

    -  Un inceste ?

    -  Je l’ignore.

    - Voilà pourquoi il est important que je sois informé et que, le cas échéant, je puisse l’entendre. Je suis le thérapeute et, si vous me permettez de filer votre métaphore, je ne dispose pas du trousseau entier mais je possède quelques clefs qui pourraient m’aider à comprendre l’origine réelle de son traumatisme.

    Il poursuivit.

    -  Vous pensez-vous en mesure de la convaincre de me parler ?

    -  Il n’y a rien de moins sûr.

    -  Pourtant, vous allez essayer.   

    Après un instant d’hésitation, Marthe reprit la parole, la voix peu plus assurée.

    - Je me suis permis, chaque soir, de noter tout ce qu’elle me disait dans la journée. Voici ce journal, ajouta-t-elle, en sortant de son sac, un petit cahier d’écolier. 

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11 juin 2013 2 11 /06 /juin /2013 09:32

Etonnant roman qui, par certains côtés, m’a rappelé la construction, à défaut de sa thématique, de mon premier polar et qui renvoie aussi, par certains côtés, au Da Vinci Code. Deux histoires qui cheminent en parallèle, l’une au XXIe siècle, l’autre au 1er siècle de notre ère. Tout tourne autour de la légitimité de la divinisation de Jésus par l’Eglise. L’existence d’une épître, écrite par un mystérieux treizième apôtre, attestant que Jésus n’est pas ressuscité mais qu’il a été inhumé quelque part dans le désert, constitue un danger, non seulement pour l’Eglise mais aussi pour les autres religions monothéistes. Une mystérieuse congrégation est chargée de protéger ce secret et de maintenir le mythe de Jésus-Christ, incarnation de Dieu. Tous les moyens sont bons, y compris le recours à des tueurs professionnels qui éliminent le père Andrei, en travestissant ce crime en suicide. Le tort de ce religieux a été de s’approcher trop près du terrible secret que dissimulent les éminences grises de l’Eglise. Nil, frère dans un monastère français et professeur d’exégèse, est l’ami de toujours du père Andrei. Devant ce qu’il pressent être un meurtre, il décide de reprendre les recherches de son ami. Sous un faux prétexte, il est appelé à Rome où il doit officiellement assister un évêque chercheur et musicologue dans ses études sur la filiation entre le chant grégorien et les psalmodies des synagogues du haut Moyen-Age. En fait, il s’agit de le neutraliser et de le surveiller, dans l’hypothèse où ses recherches le conduiraient trop près de la vérité. Pour autant, Nil va poursuivre son enquête afin de réunir les preuves de l’existence de ce treizième apôtre et de son épître.

Ce livre est un véritable thriller mais aussi un roman historique qui, nourri par la grande culture de l’auteur, fait revivre au lecteur une histoire mal connue, celle des premières sectes juives et chrétiennes qui gravitaient autour de Jésus, autour des véritables enjeux qui ont conduit Jésus sur la croix, une histoire qui projette un éclairage nouveau sur les origines de la doctrine chrétienne et sur les rapports qu’entretiennent entre elles les trois grandes religions monothéistes. Il faut donc s’accrocher car cette lecture n’est pas facile, difficulté accentuée par les sauts d’époque, un peu à l’image des tous ces romans ésotérico-historiques dont l’ambition est de mettre à jour des liens invisibles entre le présent et le passé. Le Da Vinci Code n’est pas très loin. Récit cohérent, certes, et bien écrit mais dont il ne faut pas perdre le fil pour rester au cœur de l’intrigue. Longues pauses déconseillées. La fin est légèrement décevante mais pouvait-il en aller autrement ? Il eût été invraisemblable de voir l’édifice de l’Eglise catholique s’effondrer comme un château de cartes. A la fin du livre, une postface fait le point sur la vérité historique, sur l’état actuel des connaissances, en relativisant le contenu du roman.

Il y a de l’action, du suspense et des connaissances à apprendre sur ce qui constitue le terreau de notre culture. A découvrir donc mais sans s’attendre à une révolution copernicienne qui ferait vaciller les fondements de la civilisation judéo-chrétienne.

Le secret du treizième apôtre, de Michel Benoît, Ed.Albin Michel, 2013, 411 pages,  7 euros 10.

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2 juin 2013 7 02 /06 /juin /2013 14:08

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Polar ? Thriller ? Roman d’aventures ? Un mélange des trois, sans doute, comme l’étaient les deux premiers romans de Linwood Barclay que j’ai lus et que j’ai beaucoup aimés. Comme dans les précédents opus, le héros est un personnage à priori quelconque, très banal, qui pourrait être aussi bien vous ou moi, qui s’exprime à la première personne et qui s’embarque dans une aventure hors du commun pour retrouver sa fille disparue. Tim Blake, tel est son nom, est vendeur de voitures dans une concession Honda, quelque part dans le Nord-Est des Etats-Unis. Il vit séparé de sa femme, Susanne. Ils ont eu ensemble une fille, Sydney, qui vit ballottée de l’un à l’autre. Les relations entre Sydney et son père ne sont pas toujours faciles. Elle vit momentanément chez lui et est censée avoir décroché un job d’été dans un hôtel de la ville. Si ce n’étaient leurs petites chamailles quotidiennes, nées d’incompréhension à mettre au compte du fossé des générations, une réelle affection les lierait vraiment. Un jour, Sydney ne donne plus de nouvelles. Elle a disparu. Pire, il semble qu’elle n’ait jamais travaillé dans l’hôtel où elle avait déclaré occuper un job. Son père se lance à sa recherche, au détriment de son travail et, surtout, plus grave, en agissant en porte-à-faux avec la police qui le considère avec un regard soupçonneux. Comme l’indique le titre, il faut craindre le pire, surtout que les découvertes que fait Tim se révèlent de plus en plus inquiétantes. Voilà pour le contenu de ce roman qui va à cent à l’heure et dans lequel le suspense rebondit à chaque chapitre. Ce n’est pas de la grande littérature, certes, mais Linwood Barclay sait nous embarquer dans une histoire passionnante, avec des rebondissements qui se succèdent, de chapitre en chapitre, tenant le lecteur en haleine. C’est le genre de bouquin qu’on lâche difficilement pour vaquer aux exigences de la vie quotidienne et qu’on retrouve avec un plaisir intense. Une belle réussite que ce « Crains le pire » dans lequel Linwood Barclay franchit un seuil supplémentaire dans la qualité du suspense. A ne surtout pas manquer !

Crains le pire, de Linwood Barclay, Belfond Noir, Collection Poche « J’ai lu », janvier 2013, 496 pages,

7 euros 90.

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