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8 août 2012 3 08 /08 /août /2012 14:21

Coup de coeur : L'apothicaire, de Henri Loevenbruck...

par Jean-Michel LECOCQ, mercredi 8 août 2012, 14:20 · 

L’apothicaire, de Henri Loevenbruck…

Avec le talent qui le caractérise, Henri Loevenbruck réalise un magnifique travail de chroniqueur dans ce roman de 603 pages, paru en octobre 2011, chez Flammarion. Andréas de Saint-Loup, apothicaire parisien se trouve un jour confronté à un insondable mystère sous la forme d’une double énigme : d’une part, il découvre dans sa maison une pièce inoccupée dont il ne se souvenait pas de l’existence et, d’autre part, il s’aperçoit de la disparition d’un personnage dans une toile qu’il possède et, là encore, sans se souvenir de l’identité de la personne initialement représentée. Athée et rationaliste, l’apothicaire ne peut admettre ce qui échappe à la raison. Nous sommes au début du XIVe siècle, sous le règne de Philippe le Bel. Sous la double menace du grand inquisiteur de France et de deux mystérieux et inquiétants cavaliers, Andréas , accompagné de Robin, son nouvel apprenti, et vite rejoint par Aalis, une jeune fille poursuivie par le prévôt de sa ville d’origine, va se lancer , sur les chemins de Saint-Jacques de Compostelle, dans un véritable voyage initiatique, parsemé de dangers, de drames et d’aventures multiples, à la recherche de la réponse à la double énigme qui l’obsède. C’est à une véritable épopée à travers l’Europe puis le Moyen-Orient que nous invite l’auteur de cette fresque gigantesque. La syntaxe, le vocabulaire et, d’une manière générale, le style en conformité avec l’époque, les digressions didactiques mais aussi narratives, l’interpellation du lecteur, la mise en perspective du récit, tout est réussi pour donner à ce roman les allures d’une chronique médiévale, à l’instar d’un Philippe de Commynes. Enfin, soulignons l’imposant travail de documentation qui transparaît tout au long de l’histoire et qui ajoute au charme de la narration le surcroît d’une leçon d’histoire plaisante. A plusieurs reprises, au cours de ma lecture, j’ai retrouvé des éléments et une tonalité qui m’ont rappelé Les mystères de Druon de Bréveaux d’Andréa Japp ( Andréa / Andréas : étonnante rencontre ! ) ainsi que des échos du Nom de la Rose de Umberto Eco. Epopée, fresque haute en couleurs, chronique d’une époque à la fois terrifiante et fascinante, « L’apothicaire » est un livre d’aventures hors normes que je recommande vivement à tous les amateurs de polars historiques.

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5 août 2012 7 05 /08 /août /2012 19:50

Le mois dernier, je me suis rendu à Moissac pour la première fois. Je voulais découvrir un site magnifique dont j'avais fait, sans le connaître autrement que par sa renommée, le théâtre de l'un des chapitres de 24, mon récent thriller. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque j'ai découvert l'enseigne du restaurant qui fait face au portail de l'abbatiale ! Cet établissement s'appelle "Le Florentin", le surnom même du personnage principal de mon roman, Vincenzo, originaire de Florence. Je n'étais jamais allé à Moissac et j'ignorais totalement ce détail. Un jour peut-être, si mon roman connaît une certaine notoriété, un esprit facétieux avancera l'idée que le nom de ceLe-Florentin--2-.jpg restaurant a pour origine le personnage de mon livre. Mieux encore : que le Florentin a bien fait étape dans cette ville en 1572, à la recherche des clefs du mystère de 24. Qui sait ?  Quand la fiction rejoint et parfois dépasse la réalité...

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4 août 2012 6 04 /08 /août /2012 16:56

Coup de coeur : L'homme à l'envers de Fred Vargas...

par Jean-Michel LECOCQ, samedi 4 août 2012, 16:53 · 
Vos changements ont été enregistrés.

Cela commence par une histoire de loups dans le Mercantour. Camille, la jeune femme dont Jean-Baptiste Adamsberg n'a jamais pu chasser l'image, son amour lointain et obsessionnel, réalise des accompagnements musicaux quelque part dans le parc du Mercantour aux côtés d'un trappeur canadien, Lawrence, avec lequel elle vit et qui étudie les loups. Rapidement, des brebis sont égorgées par un loup qu'on devine d'une taille au-delà de la normale. Puis, c'est au tour d'une femme, Suzanne, qui élève ses brebis dans la montagne, secondée par Soliman, un jeune homme noir qu'elle a recueilli enfant, et le Veilleux, un vieux berger ombrageux. Depuis Paris, Adamsberg s'intéresse de loin à cette affaire qui fait la une des médias nationaux. Dans ce pays où les peurs irrationnelles reprennent très vite le dessus, les proches de la victime, Soliman et le Veilleux, soupçonnent Massart, un homme solitaire et mal intégré à la région, d'être le loup-garou qui a égorgé les moutons et Suzanne. Une traque s'organise dans laquelle ils parviennent à entraîner Camille. De son côté, poursuivi par une marginale qui veut se venger de lui, Adamsberg est contraint de se cacher. Le coup de fil de Camille qui pense que seul un flic peut aider à résoudre cette affaire donne à Adamsberg l'occasion de venir se faire oublier dans cette région montagneuse, en participant à la traque dont Massart est l'objet.

Voilà encore une aventure remarquablement ficelée du commissaire Adamsberg, avec une galerie de personnages hauts en couleurs, le verbe vert, les manières mal dégrossies mais le coeur sur la main. Des Alpes-Maritimes jusqu'à la Haute-Marne, en passant par Grenoble et Bourg-en-Bresse, le lecteur est entraîné dans un road movie à la française, haletant au possible et truffé de scènes désopilantes. Le suspense est bien là, savamment entretenu, et le dénouement ne se laisse deviner qu'à quelques pages de la fin. Une belle épopée montagnarde et profondément humaine, riche en suspense et en rebondissements, à déguster sans modération.

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2 août 2012 4 02 /08 /août /2012 11:35

Un extrait de " Rejoins la meute " ....

par Jean-Michel LECOCQ, jeudi 2 août 2012, 11:29 · 
Vos changements ont été enregistrés.

Dans une série, on désigne celui qui vient avant le dernier par le terme d'avant-dernier et le précédent par le terme d'anté-pénultième. Jusque là, c'est simple. Quand on procède dans l'autre sens et qu'on anticipe, on nomme celui qui vient après le dernier, le suivant. Mais, comment appelle-t-on celui qui vient après le suivant ? Si l'on s'en tient à l'étymologie latine de notre langue, on devrait adopter le préfixe post- qui est l'antonyme de anté- et le désigner par le vocable post-suivant ou encore le post-prochain, mais comment nommer celui qui vient encore après ? A moins que d'être victime d'une lacune sémantique fâcheuse pour un romancier, c'est un casse-tête auquel je suis confronté car j'ai presque trois manuscrits d'avance par rapport au dernier publié. J'ai donc décidé de me simplifier la vie en les ordonnant selon l'ordre mathématique de leur apparition : 1er, 2ème, etc... Le dernier paru étant le 3ème, voici un extrait du 5ème, à paraître vraisemblablement vers la fin 2013....A moins que....

Mes personnages, des policiers, se retrouvent à Florac pour enquêter sur des massacres commis dans différents endroits des Cévennes. Ils viennent de débarquer et le commissaire Payardelle se rend dans la boutique tenue par l'une des victimes. Je me suis régalé à composer cette description.

" Ils remontèrent vers le haut de la ville, en longeant un petit canal, le long duquel s’étaient installés des vendeurs de colifichets. Marthe, qui se croyait sans doute en vacances, fit l’acquisition d’un petit pendentif en bois de noyer qu’elle se passa immédiatement au cou.

- Après tout, tu as raison, lui fit remarquer Théo, il vaut peut-être mieux qu’on nous prenne pour des touristes. Ainsi, nous passerons plus facilement incognito. Pour l’instant ! ajouta-t-il, car il va falloir rapidement tomber les masques. Nous sommes là pour enquêter et nous ne pouvons éternellement rester de simples observateurs.

Marco s’approcha de lui.

- De toute façon, c’est trop tard. Nous sommes repérés. Regardez, là-bas, le petit groupe, devant le bar.

Ils étaient arrivés devant la fameuse Fontaine du Pêcher. La rivière restait prisonnière quelques instants d’un petit barrage, avant de laisser ses eaux tumultueuses se jeter en aval dans un déversoir qui filait au travers de la ville. Dans cette retenue aux eaux limpides, grouillait une multitude de truites, entre les longues chevelures des herbes que le courant faisait onduler. Un peu plus loin, installés à la terrasse d’un café, se tenaient cinq hommes qui les observaient d’un œil peu engageant. C’était à eux que Marco faisait allusion. Marthe s’était approchée.

- Tu n’es pas un peu parano, Marco ? Tu crois réellement qu’ils parlent de nous ? Qu’ils ont deviné que nous étions des flics ?

Marco n’eut pas le temps de répondre. Théo s’en chargea.

- Ma petite Marthe, je ne te savais pas aussi naïve. Ces gens-là reniflent un flic à des kilomètres à la ronde. Même nous, avec une soutane, et toi en tenue de Dominicaine, ils nous auraient repérés et identifiés comme flics. Et je peux te dire que ceux-là ne les aiment pas, les flics, même quand ils s’appellent César !

Le dénommé César marchait à dix mètres devant eux, le nez en l’air. Avec son pantalon qui lui tombait au bas des fesses et qui laissait voir le haut de son slip et son blouson pourri sur le dos duquel était floquée une inscription gothique, il n’avait en principe rien de l’image normale d’un flic. Sa démarche nonchalante lui conférait une décontraction qui cadrait bien avec son âge et avec sa personnalité. Il se sentait bien dans cet environnement et il avait défendu les routards lorsque Marco leur avait manifesté son antipathie. Pour autant, Théo savait de quel côté serait résolument ce gaillard-là si, d’aventure, un accrochage les opposait aux routards. Il serait avec ses collègues, aux côtés de Marco, comme un bon petit soldat. Il était flic jusqu’au bout des doigts. Théo redoutait le moment où il faudrait pénétrer cet univers dans lequel, il en était convaincu, se trouvait, sinon la clef, du moins l’une des clefs de leur affaire. En attendant, ils auraient à affronter les regards hostiles et à supporter quelques quolibets. Rien de plus classique. C’était sans importance. Tous les flics du monde y étaient confrontés à un moment ou à un autre. Mais, le jour où ils allaient devoir pénétrer sur le territoire de ces marginaux pour jeter sur eux un regard inquisiteur, là, ils joueraient avec le feu. Les regards des types attablés sur cette terrasse en disaient long sur leur détermination à ne pas laisser quatre flics isolés venir les bousculer.

Lorsqu’ils passèrent à la hauteur du café, quelques moqueries fusèrent. Théo retint Marco par le bras. Il était d’autant plus indifférent aux onomatopées affligeantes des quatre abrutis avinées auxquels il n’avait prêté aucune attention qu’il venait d’apercevoir, là, juste devant lui, à vingt mètres à peine, la vitrine la plus extraordinaire qu’il eût jamais vue : celle du magasin de feu Armand Dutilleul, la Mecque des confitures. Comment, à si peu de distance, la grossièreté et la bêtise pouvaient-elle voisiner avec tant de beauté et de délicatesse ?

L’intérieur du magasin était beaucoup plus vaste que ne le laissait présager la taille de la façade. Tout en longueur, le magasin renfermait un stock impressionnant de pots, soigneusement disposés sur des étagères et minutieusement classés par fruits, par années et par origine, le tout sous des voûtes centenaires. Des pêches du Roussillon aux mirabelles de Lorraine, en passant par les fraises de Bretagne ou les cerises d’Alsace, tous les fruits des vergers français étaient réunis là, sous la forme de confitures et de gelées prêtes à satisfaire les palais les plus divers et les plus subtils. Trois jeunes filles, en robe blanche sur laquelle était passé un tablier orangé aux armes de la maison Dutilleul, allaient et venaient, souriantes, pour guider dans leurs choix les nombreux clients qui occupaient la boutique. Une quatrième se tenait sagement derrière un comptoir, sur lequel étaient disposés de minuscules pots de dégustation qu’elle ouvrait à la demande, selon le goût des clients à qui elle tendait, autant que de besoin, de petites cuillers de plastique dont la couleur était assortie à celle de son tablier. Le centre du mur situé derrière le comptoir était occupé par une immense affiche reproduisant la couverture du Traité des confitures de Michel de Notre-Dame. Théo se rassasiait de l’ineffable beauté de cet endroit dont, jusqu’alors, il n’avait trouvé l’équivalent qu’en Angleterre, à Lincoln, dans une vieille boutique de bonbons et de friandises en tous genres.

Le malheur était vraiment insaisissable ou, alors, il était trop prévisible. C’était selon. Pourquoi le destin avait-il frappé cette famille qui était faite pour la réussite et le bonheur ? Un commerce prospère, une vie bien réglée, une passion dévorante pour son travail qui empêchait Dutilleul de s’ennuyer et de s’interroger sur l’avenir, dans une petite ville provinciale en diable, où la vie coulait paisiblement comme l’onde claire du Tarn et où la paix semblait aussi inébranlable que les rochers noirs qui surplombaient la cité. Seulement, il y avait la confiturerie et ses maudites cuves. Si Dutilleul avait été électricien, plombier ou même simple marchand de confitures, voire confiturier à l’autre bout de la France, jamais le malheur ne se serait intéressé à lui. Mais, voilà, Armand Dutilleul faisait cuire ses fruits à Florac et c’était à Florac que le Diable avait eu besoin d’un creuset où sacrifier une vie. La sienne. Le petit commis avait été aspiré dans le tourbillon du destin. Théo était convaincu que la personnalité et la vie des victimes n’avaient aucune importance et n’étaient nullement à l’origine des meurtres. Ces pauvres malheureux n’avaient été que des victimes aléatoires d’un dessein qui les dépassait. "

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2 août 2012 4 02 /08 /août /2012 09:36

Un extrait de mon prochain polar...

par Jean-Michel LECOCQ, jeudi 2 août 2012, 09:35 · 

A paraître vraisemblablement debut 2013...

Le foyer Saint-Vincent ressemblait à un établissement thermal. Nichée au fond d’un parc profond peuplé de châtaigniers, au bout d’une allée de gravier blanc, une immense bâtisse à la façade ponctuée de trois rangées de colonnades s’offrit à la vue de la jeune femme. Elle était en retrait d’une immense esplanade à laquelle on accédait par un escalier monumental. A l’ombre d’un déambulatoire, assis côte à côte, sur une longue banquette de bois, à demi-cachés par les colonnes aux motifs doriques, des pensionnaires prenaient l’air. Quelques-uns s’étaient aventurés en plein soleil pour goûter à la douceur de cette belle journée de printemps. Sahra chercha à retrouver parmi eux le vieux brocanteur. Après seulement quelques années, il ne devait pas avoir changé au point de ne pas pouvoir le reconnaître. Une infirmière croisa son chemin. Elle se décida à l’interpeller.

- Je viens rendre visite à monsieur Giordano, Charles Giordano. Savez-vous où je peux le trouver ?

L’infirmière le connaissait.

- Il est dans sa chambre, au premier. Il n’en sort pratiquement plus. Chambre 154. L’ascenseur est au fond du hall.

Le hall était à l’image de la bâtisse : monumental. Sahra négligea de s’adresser à l’accueil où, au demeurant, deux employées semblaient débordées par des familles en quête de renseignements. La chambre de Charles Giordano se trouvait en face de l’ascenseur. Entrouverte, elle paraissait plongée dans l’obscurité. Bien que la fenêtre donnât au nord, les rideaux étaient tirés et la jeune femme dut attendre que sa vision se fût accommodée à la pénombre pour apercevoir, installé dans un fauteuil, un homme qui somnolait.

- Monsieur Giordano, chuchota-t-elle à plusieurs reprises, en s’approchant du vieil homme.

Elle ne le reconnut qu’au moment où il ouvrit ses yeux pour la contempler d’un air hébété.

- Qui êtes-vous ? demanda-t-il.

- Sahra Manet, celle qui vous a racheté votre magasin.

Il y avait de quoi être inquiet. Le vieillard – car son état physique et l’atonie de sa voix ne laissaient rien présager de bon quant à son état intellectuel – se redressa légèrement pour mieux voir celle qui lui rendait visite. Soudain, son visage s’illumina d’un sourire qui le fit rajeunir.

- Je vous reconnais, dit-il. Vous avez repris mon dépôt-vente. C’est gentil de venir me voir. Je ne vois pas grand monde. Ma fille ne vient qu’une fois par semaine, le samedi ou le dimanche, ça dépend.

Il faisait pitié à voir, recroquevillé dans une vieille robe de chambre en pilou, trop grande pour lui et usée jusqu’à la corde. Sa famille ne semblait pas s’en préoccuper beaucoup. Sahra sortit de son sac la boîte de macarons achetée le matin même et la lui tendit. Une larme coula sur la joue du vieillard et, de ses lèvres desséchées, elle crut entendre sortir un « Merci, c’est très gentil », plein de trémolos. Elle s’assit sur le bord du lit pour engager la conversation.

- Pourquoi ne sortez-vous pas de votre chambre pour prendre l’air ? Il fait bon dehors. Voulez-vous que je vous accompagne dans le parc ? lui proposa-t-elle en avisant le fauteuil roulant rangé de l’autre côté du lit.

- C’est ma phlébite qui m’empêche de me déplacer. Je pourrais prendre mon fauteuil mais je suis trop faible pour le manœuvrer. Je dois demander de l’aide et j’ai l’impression de déranger.

Sahra l’aida à se lever et, tant bien que mal, parvint à l’installer dans le fauteuil. Le vieux brocanteur semblait transporté de plaisir.

- Vous êtes aussi gentille que vous êtes jolie, lui lança-t-il, profitant de l’intimité de l’ascenseur, craignant sans doute d’être entendu par les autres pensionnaires ou par le personnel.

Sahra reprenait espoir. Même grabataire, un vieux qui vous fait la cour ne peut pas avoir perdu toutes ses facultés intellectuelles. Elle choisit de l’emmener à l’ombre d’un arbre, à l’écart des autres pensionnaires et à proximité d’un banc, pour une interview dont elle attendait beaucoup. Une vieille arc-boutée sur sa canne passa à proximité et s’arrêta quelques instants pour leur parler du temps, des bienfaits des promenades dans le parc, de sa surprise de le voir ici, lui qui ne sortait jamais, pour lui demander si la jeune femme qui l’accompagnait était sa fille ou sa petite fille, si elle avait fait beaucoup de route pour venir le voir, que ça le changeait de son autre fille qui ne le sortait pas et qui ne restait jamais longtemps. Sahra vit venir l’instant où elle allait s’asseoir sur le banc pour prolonger son bavardage. Enfin, la vieille s’éloigna.

- C’est une emmerdeuse, lâcha le père Giordano. Elle n’arrête pas de jacasser et d’enquiquiner tout le monde. Une véritable pipelette et une langue de vipère. Je préfère de loin votre compagnie. Mais qu’est-ce qui vous amène ici ?

- Rien de grave, monsieur Giordano, rien de grave. Juste quelques objets que j’ai vendus et dont je ne connais pas le propriétaire. De ce fait, je ne peux pas lui reverser sa part de la vente. Je voulais savoir si vous saviez où le trouver.

- Et vous avez fait toute cette route rien que pour ça ?

Sahra était honteuse d’avoir menti à ce vieil homme. Elle n’avait trouvé que ce pitoyable mensonge comme seule explication plausible à sa venue. Et tout cela pour s’apercevoir que cet argument était irréaliste et que le vieux brocanteur n’était pas dupe.

Elle décida de jouer franc jeu. Le vieux bonhomme méritait ce respect.

- En vérité, le nom du propriétaire de ces objets est mentionné dans Var-Matin dans un article consacré aux meurtres commis en Dracénie.

- C’est vrai qu’il s’en passe de belles là-bas ! s’exclama-t-il. J’ai suivi ça à la télé. Une drôle d’histoire !

- Une drôle d’histoire, en effet. Mais mon client n’a peut-être rien à voir avec ces meurtres.

Le vieux brocanteur posa sa main sur son bras.

- Et comment s’appelle-t-il votre bonhomme ?

- Laffont. Antoine Laffont. Vous souvenez-vous de lui ?

- Et comment que je m’en souviens ! Un drôle de type que ce client-là !

Sahra jubilait. Le père Giordano n’avait pas perdu la mémoire. Mieux. Ce Laffont l’avait marqué. Elle se préparait peut-être à apprendre un tas de choses sur ce type.

- Parlez-moi de lui. Vous souvenez-vous de son adresse ?

- Si je vous dis que c’était un drôle de type, c’est bien pour ça. Il a refusé de me communiquer son adresse, m’a juste donné un numéro de portable. J’ai eu l’impression que ce gars-là se débarrassait de ses meubles et se moquait de savoir s’ils seraient vendus ou pas. J’ai eu l’impression qu’il liquidait tout pour s’enfuir, sans qu’on puisse le retrouver grâce aux déménageurs. Ça se lisait sur sa figure. Pas franc du collier. Et triste. Oui, triste, comme un type qui vient de traverser un grand malheur. Il avait peut-être perdu un enfant car il y avait plein de jouets dans le lot. C’est bien ça ?

- C’est bien ça !

Le vieux avait une mémoire impressionnante et un sens de l’observation étonnamment développé. Fin psychologue, le père Giordano ! Il devait en savoir plus.

- Ce n’est pas vous qui êtes venu chercher le lot de meubles et d’objets chez lui ?

- Non. Il m’a dit qu’il possédait une camionnette et qu’il m’apporterait tout lui-même. Même pas un copain ou un parent pour l’aider. Il n’a même pas discuté des prix qu’il souhaitait. « Faites pour le mieux », qu’il m’a dit. Ça voulait dire « Je m’en fous ». Vous pouvez vendre tout ce capharnaüm et empocher l’argent. Vous ne le reverrez jamais.

Sahra hésita quelques secondes.

- Et pour cause, lui répondit-elle, si c’est bien lui, il est mort il y a quinze ans, assassiné avec sa femme. Par leur fille.

- C’est parce qu’ils lui avaient piqué ses jouets, plaisanta le vieux, en riant à gorge déployée.

« Facétieux avec ça ! », se dit Shara, de plus en plus épatée par l’ancien brocanteur.

- Et vous n’avez aucune idée de l’endroit où il habitait ?

C’est alors que la jeune femme qui avait imaginé être au bout de ses surprises resta bouche bée en entendant la réponse du vieil homme.

- J’ai peut-être une petite idée là-dessus. Je veux bien vous la confier si vous allez m’acheter en douce un paquet de cigarettes. Et des allumettes.

Il y avait des jours comme celui-là où il fallait s’attendre à tout. Allait-elle céder à ce qui ressemblait à un caprice de vieillard sénile ? Et s’il mettait le feu à sa chambre ? L’espace d’une seconde ou deux, elle hésita. Qu’allait-il exiger d’autre à son retour ? Qu’elle lui montre sa culotte ou, pire, qu’il exige de toucher son intimité ? Une de ces lubies de vieillard priapique, même pas vicelard mais tout simplement déphasé. Elle finit par s’exécuter.

- Je reste là à vous attendre. Des brunes, lui lança-t-il, alors qu’elle s’éloignait. Sans filtres surtout !

A son retour, Giordano était toujours là. Il s’était même assoupi. Elle glissa discrètement le paquet de cigarettes ainsi que la boîte d’allumettes entre la cuisse du vieux et le rebord du fauteuil. L’ancien brocanteur se réveilla et lui adressa un sourire de reconnaissance.

- A présent, j’ai bien mérité que vous me répondiez. Savez-vous où il habitait ?

- Il n’était pas bien futé. Il est venu déposer son bric-à-brac avec sa camionnette. Sur le côté, il y avait encore les traces d’une inscription. Vous savez, avec ces lettres autocollantes. Elles avaient été arrachées mais on devinait encore leur trace. Domaine Saint-Pierre. C’est à Figanières.

- Vous en êtes vraiment sûr ?

- Et comment ! répliqua Giordano. Quand j’ai réussi à vendre un ou deux bibelots, j’ai téléphoné là-bas pour essayer de le contacter et de lui verser sa part sur la vente. On m’a répondu qu’il avait disparu. C’était le régisseur. Il occupait un vieux corps de ferme où était installé le chai et où il logeait. On m’a dit qu’un jour il avait disparu brutalement avec sa famille, sans donner d’explications et qu’on ignorait où il était allé.

- Et ce domaine, comment s’y rend-on ?

Le vieux la considéra avec un peu d’inquiétude dans le regard.

- Ma jolie, si comme vous me l’avez dit, ce type trempe dans une affaire criminelle, vous devriez être prudente. Qu’est-ce que vous allez faire là-haut ? Mener votre enquête ? A quoi ça vous mènera ? Vous ferez mieux d’aller voir la gendarmerie.

Sahra ne put faire autrement que de lui retourner un sourire désabusé.

- Vous savez, monsieur Giordano, dans ma vie, je n’ai jamais été capable du mieux. Quand j’excellais, j’étais tout juste capable du moins mal. Et puis les gendarmes, c’est une espèce qui ne m’a jamais porté chance. Alors, j’ai appris à me passer d’eux quand j’avais des soucis et à me débrouiller seule. J’ai un ami qui a des ennuis à cause de cette affaire. Je cherche à l’aider. Voilà tout ! C’est gentil de vous soucier de moi mais ne vous inquiétez pas. Je ne risque rien.

Le vieil homme lui retourna son sourire, avec au fond des yeux, comme le regret de toute une vie.

- Quand j’étais jeune, c’est une femme comme vous qu’il m’aurait fallu, plutôt que Geneviève, cette bonne à rien qui m’a laissé tomber, après m’avoir fait cette fille qui s’occupe à peine de moi et qui refuse de m’apporter des clopes. Vous, vous êtes quelqu’un. Votre ami a de la chance.

Giordano lui donna des indications apparemment suffisantes pour trouver sans difficulté le domaine Saint-Pierre. Sahra quitta la pièce après un ultime petit geste de la main. Elle y avait mis toute la tendresse dont elle était capable. Un remerciement en même temps qu’un adieu.

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1 août 2012 3 01 /08 /août /2012 10:04

Un nouvel extrait de mon récent thriller : 24 ...

par Jean-Michel LECOCQ, mercredi 1 août 2012, 10:02 · 

Paris, le samedi 25 septembre 1572, 7 heures, le matin,

Cela faisait près de vingt ans que Jean Le Fleurinier exerçait son métier de fossoyeur. Durant ces années, il avait mis en terre près de la moitié des habitants du quartier des Halles. Le cimetière des Innocents était son terrain d’élection. Il y assurait la majeure partie de son office et y possédait une petite cabane où il remisait ses outils. En cette fin du mois de septembre, il pouvait enfin souffler un peu. Les massacres de la fin août l’avaient contraint à travailler deux fois plus longtemps que d’ordinaire. Ses journées de labeur démarraient avec le lever du soleil et ne s’arrêtaient qu’avec le couvre-feu, sous une chaleur accablante. Même si la plupart des corps, non identifiables, avaient été transportés hors des murs de la ville pour y être incinérés dans des fosses communes, de nombreuses familles avaient fait inhumer les leurs dans le cimetière de leur quartier. Celui des Innocents desservait les trois paroisses de Saint-Germain-L’Auxerrois, Saint-Eustache et Saint-Opportune, ce qui suffisait à en faire le plus grand de Paris. Jean Le Fleurinier n’avait pas chômé. Cela avait duré plusieurs semaines, tant la recherche des victimes était laborieuse et leur identification difficile. Il fallait attendre que les familles reconnaissent les corps avant d’enterrer les dépouilles qui empestaient, sous l’effet de la décomposition. Un quartenier, officiant au nom de la prévôté, l’accompagnait afin de s’assurer de la conformité des inhumations. Le plus souvent, le curé organisait une brève bénédiction et, à peine le trou rebouché, il fallait passer à l’enterrement suivant. En ce début de matinée, Jean Le Fleurinier se sentait bien. La fraîcheur matinale était supportable et le soleil, qui se levait derrière les toits de l’hôpital Sainte-Catherine, illuminait un ciel déjà bleu, promesse d’une belle journée de fin d’été. L’âme et le corps légers, il suivit la rue de la Chaussetterie puis celle de la Ferronnerie pour gagner l’entrée du cimetière située sur la Grand Rue Saint-Denis. Il n’avait que deux enterrements prévus au programme de cette journée, sans doute la plus calme depuis bien longtemps. Le premier étant fixé à dix heures, il allait avoir le temps de préparer ses outils et même de déguster tranquillement la collation que lui avait préparée son épouse. Sa cabane était située au fond du cimetière, adossée au mur qui donnait sur les Halles. Il y prit ses outils et se dirigea vers la fosse qu’il avait creusée la veille. Il aimait s’asseoir au bord du trou, les jambes pendant dans le vide, pour manger. Il l’avait fait des centaines de fois, lorsque le temps était favorable, comme ce matin. Le soleil avait envahi le cimetière et y répandait sa chaleur bienfaisante. Jean Le Fleurinier s’approcha de la fosse. Il posa sa besace sur le tas de terre encore fraîche qui surplombait le trou et engagea la jambe droite dans le vide. C’est alors que son regard tomba en arrêt sur l’homme allongé dans le fond, dont le visage portait la pâleur de la mort.

Nicolas Chantemerle, le nouveau prévôt, resta longtemps immobile, devant la fosse. Campé derrière lui, le bailli Grandfontaine avait tenu à être présent. Le fossoyeur s’était placé en retrait, après avoir répondu du mieux qu’il avait pu à l’avalanche de questions du prévôt. Dans l’esprit de Chantemerle, comme dans celui du bailli, régnaient une effervescence et une confusion des plus grandes. Comment ce cadavre avait-il pu arriver là ? Qui l’y avait placé ? Qui était cet inconnu ?

- Ce n’est pas quelqu’un du quartier ! Il est âgé et je le connaîtrais.

Telle avait été la seule information fournie par le fossoyeur qui avait aidé les deux gardes prévôtaux à sortir le corps de la fosse.

- Examinez sa main droite ! demanda Grandfontaine.

Le prévôt s’exécuta. L’homme portait, au creux de la paume, un dessin représentant un signe tracé avec la pointe d’un couteau.

- De quoi s’agit-il ? s’exclama Chantemerle.

- De la lettre E, lui répondit le bailli avant de questionner le fossoyeur :

- Qui enterre-t-on dans ce secteur du cimetière ?

- Les paroissiens de Saint-Eustache, répondit Le Fleurinier.

- E, c’est l’initiale de Saint-Eustache, soupira le bailli. 

Tous l’observaient, l’air interrogateur. Grandfontaine avait prit une mine grave. Sa voix ne l’était pas moins pour annoncer :

- Le scarificateur n’est pas mort. Il vient encore de frapper.

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31 juillet 2012 2 31 /07 /juillet /2012 17:37

Coup de coeur : L'homme aux cercles bleus , de Fred Vargas ...

par Jean-Michel LECOCQ, mardi 31 juillet 2012, 17:34 · 

L’homme aux cercles bleus, de Fred Vargas…

C’est une expérience très intéressante et un privilège que de pouvoir découvrir à rebours l’œuvre de Fred Vargas. La plupart, sinon la totalité des inconditionnels de cette gigantesque auteure, l’ont lue dans l’ordre où elle publiait ses romans. Ce sont des admirateurs de la première heure. Ils ont une expérience et une vision chronologiques de son œuvre. Je suis en retard sur eux car j’ai découvert Fred Vargas sur le tard. Et c’est une chance. J’ai lu « L’armée furieuse » bien avant « L’homme aux cercles bleus » et « Un peu plus loin sur la droite » avant « Ceux qui vont mourir… », un peu à la manière d’un archéologue qui, partant des strates les plus récentes, remonte vers les strates les plus anciennes et découvre ainsi le substrat qui lui permet de comprendre les filiations, de saisir les ingrédients et les mécanismes de la genèse d’une civilisation. Avec « Ceux qui vont mourir… », j’avais déjà cru déceler dans le personnage de Richard Valence les éléments fondateurs des commissaires Kehlweiler et Adamsberg. Une sorte d’épure, en quelque sorte. Un prototype. Avec L’homme aux cercles bleus, je me suis retrouvé plongé dans les prémices d’une douce folie qui trouvera son accomplissement dans L’armée furieuse. Après avoir parcouru leurs aventures communes, j’ai découvert la première rencontre entre Adamsberg et Danglard. Paradoxalement, cela m’a permis de mieux apprécier ce que j’avais lu jusqu’alors de Vargas. L’homme aux cercles bleus est un creuset expérimental dans lequel Vargas affûte ses personnages, aiguise son style, éprouve la puissance des images, élaborant et confortant ainsi ce ton si particulier et cette puissance métaphorique qui consacreront ses œuvres les plus récentes. Elle y fait s’entrechoquer les personnages, leurs sentiments, leurs contradictions, leurs paradoxes, leurs mensonges, poussant l’absurdité des relations humaines dans leurs ultimes retranchements, jusqu’au non-sens. C’est sans doute pour cela que « L’homme aux cercles bleus » bouillonne de tant d’audaces, fait jaillir autant d’étincelles, tel un magma en fusion où se forgent l’univers et le style d’un auteur incomparable. Par instants, j’y ai retrouvé des échos de « La vieille dame qui marchait dans la mer », de Frédéric Dard, sans doute en raison de cet univers complètement déjanté dans lequel les personnages de Vargas se meuvent avec autant de fantaisie mais aussi autant de vérité et de justesse. « L’homme aux cercles bleus » est sans conteste une œuvre majeure dans la série des Fred Vargas. A découvrir pour ceux qui, comme moi, ont un peu de retard et à consommer sans modération.

L'homme aux cercles bleus, de Fred VARGAS, 2004, Editions J'ai lu, 220 pages.

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30 juillet 2012 1 30 /07 /juillet /2012 14:13

Voilà un peu plus d'un an, Frédéric LEFOL me proposait d'illustrer mon roman en cours d'écriture. Il s'agissait de 24, mon récent thriller historique, Flatté par cette proposition, je lui ai confié mon manuscrit après avoir négocié avec lui quelques contraintes liées au respect du suspense. Quelques mois plus tard, après une série d'essais qu'il avait jugés insatisfaisants, il me présentait un projet qui m'a séduit et qui est devenu l'illustration de la première de couverture du roman. L'image représentait une tête de viole de gambe en usage au XVIe siècle, instrument qui se trouvait au coeur de l'intrigue puisque les victimes étaient des musiciens et que la musique était le thème central de l'histoire. Frédéric LEFOL avait eu l'idée géniale de faire couler du visage de la sculpture des larmes de sang, faisant ainsi écho à la dimension sanglante du thriller. Je conserve dans mon bureau l'original de cette illustration que tous ceux qui ont eu le livre entre les mains s'accordent à trouver remarquable. Une anecdote en témoigne. L'ami de ma fille à qui j'avais offert un exemplaire de 24 m'a appelé quelques jours plus tard pour me dire : Ton livre, il est génial ! Je lui ai alors exprimé ma surprise : Tu as déjà eu le temps de le lire ? lui ai-je demandé, ce à quoi il m'a répondu : Non, mais je veux parler de la couverture.

Plus généralement, Frédéric LEFOL est un peintre d'un immense talent qui, j'en suis convaincu, est promis à une belle carrière dans le monde de l'art. Son succès dans le cadre de l'exposition internationale de Saint-Tropez et la réussite de son atelier-galerie de La Garde-Freinet sont là pour témoigner de l'intérêt que les amateurs éclairés portent à ses oeuvres. Nous possèdons deux toiles de lui qui illuminent notre maison. Il mélange à la perfection les techniques, les supports et les matériaux pour aboutir à des compositions qui mettent en valeur ses qualités de dessinateur et de coloriste.

Cette collaboration entre un écrivain et un illustrateur m'a séduit d'entrée de jeu et recueille l'adhésion de tous ceux qui ont lu le livre. Nous comptons bien réitérer cette coopération et, sans doute, dans un avenir très proche. La qualité de l'illustration de la page de couverture est un élément déterminant pour l'identification et la diffusion d'un roman. Autant que le texte de la quatrième de couverture, l'illustration est un élément qui invite à entrer dans l'histoire. Réussie, comme c'est le cas pour 24, elle constitue pour le roman un atout supplémentaire. J'attends avec impatience la prochaine étape de notre collaboration. En attendant, nous cheminons chacun de notre côté avec l'espoir de cueillir un jour prochain les fruits de notre travail. Et, pourquoi pas, de notre travail commun.

 

Ci-contre, l'originale de l'illustration de 24, par Frédéric LEFOL.

Ci-dessous, deux toiles du maître.P1090278--2-.jpgAtelier-de-F-LEFOL.jpgLes-Garcinieres.jpg

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27 juillet 2012 5 27 /07 /juillet /2012 22:33

Coup de coeur : Ceux qui vont mourir te saluent, de Fred Vargas...

par Jean-Michel LECOCQ, vendredi 27 juillet 2012, 22:29 · 
Vos changements ont été enregistrés.

Pas encore d'apparition des légendaires commissaires qui feront la renommée de Fred Vargas, dans cette pièce romaine qui obéit aux règles du théâtre classique : unité d'action, de lieu et de temps. L'histoire se déroule exclusivement à Rome, la ville éternelle, creuset de toutes les folies, depuis les orgies de l'Empire romain jusqu'aux fêtes décadentes de la Dolce Vita. Les héros de cette tragédie policière, sur fond de trafic d'oeuvres d'art, sont d'abord trois jeunes gens qui ont emprunté les habits et les noms de trois illustres empereurs romains : Néron, Tibère et Claude. Leur folie décadente les conduit à être les animateurs d'une farce tragi-comique autour du meurtre d'un riche amateur d'art, époux de leur égérie. S'oppose à eux un enquêteur d'un genre particulier, Richard Valence, caractère original et atypique qui aurait très bien pu devenir un personnage récurrent de Vargas et qui préfigure, par certains aspects de son personnage, les personnalités fortes et originales de Kehlweiler ou d'Adamsberg. C'est avec un réel plaisir que j'ai découvert ce petit joyau que Fred Vargas a ciselé comme le prototype de ses oeuvres et de ses personnages ultérieurs. Ramassée, dense, très forte au plan de l'écriture comme au plan des images, cette petite merveille épicée et goûteuse se laisse savourer comme la cuisine italienne : avec gourmandise.

Ceux qui vont mourir te saluent, de Fred Vargas, Ed. Viviane Hamy, Coll. J'ai lu, 1994, 190 pages.

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27 juillet 2012 5 27 /07 /juillet /2012 21:46

Coup de coeur : Seul le silence, de RJ ELLORY...

par Jean-Michel LECOCQ, vendredi 27 juillet 2012, 21:43 · 
 

A Augusta Falls, une petite bourgade de Géorgie, au début des années 40, Joseph Calvin Vaughan est encore un tout jeune garçon lorsqu'on découvre, tout près de chez lui, le corps affreusement mutilé d'une fillette qui n'est autre que l'une de ses camarades de classe. Les mois passent et d'autres corps sont retrouvés, dans des conditions identiques. Toutes les victimes fréquentaient la même école que Joseph. A l'évidence, un tueur en série sévit dans la région et, malgré les recherches entreprises, les battues conduites aux alentours et la vigilance de chacun, il continue à semer des victimes sur son passage. Un jour, c'est Joseph qui découvre l'une de ces victimes. A partir de cet instant, sa vie ne sera plus jamais paisible. Outre sa volonté de démasquer le tueur, l'adolescent devenu un jeune homme va connaître une vie mouvementée et dramatique. Parviendra-t-il à atteindre ce qui est devenu l'unique but de son existence ? Des années 40 jusqu'aux année 80, en passant par l'après-guerre et les années 60, RJ Ellory nous livre, au-delà de l'intrigue policière, une fabuleuse fresque historique et sociale de l'Amérique profonde et fait, en cette occasion, la démonstration de son immense talent. Ce n'est pas par hasard que le Nouvel Observateur le compare à Truman Capote pour la puissance de son écriture et la complexité des émotions qu'il met en jeu. Bien plus qu'un énième thriller, Seul le silence est un grand roman, une oeuvre magistrale dont le souffle épique n'échappera à personne. Le dénouement est inattendu et à la hauteur de l'histoire. Un bijou à découvrir absolument.

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