Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
23 février 2023 4 23 /02 /février /2023 12:17

Quel roman ! Court, certes, mais ô combien dense et talentueux ! L’auteur n’a pas quarante ans mais il prouve que la littérature a encore de très beaux jours devant elle et surtout la grande littérature. Ce roman est magistral, tant du point de vue de l’intrigue que du point de vue de l’écriture. Le titre est à lui seul un symbole. Bien sûr, la Fauve est un lieu, une forêt inquiétante qui porte bien son nom vers laquelle se dirige le récit ou autour de laquelle il gravite. Montcalme est une bourgade banale qui regroupe en son sein un échantillon d’êtres humains qui caractérisent à merveille des spécimens marquants de notre société, depuis un groupe de beaufs avinés et abandonnés à leurs dérives sécuritaires jusqu’à la femme soumise à la tyrannie d’un mari par ailleurs membre de ce groupe, une femme déprimée, qui n’a d’autre perspective que de voir son fils marcher sur les traces de son père et qui est près de se suicider, en passant par un immigré clandestin paumé qui traverse la région et l’idiot du village qui sillonne le bourg et ses environs sur son vélomoteur. Le temps d’une soirée et d’une nuit, ces personnages vont s’entrecroiser au fil de leurs destins tragiques et au prix d’une violence qui les dépasse. Une écriture séduisante, toute en tension, donne le rythme et crée l’atmosphère qui conviennent à cette allégorie de la vie humaine quand les aléas, les passions, les souffrances ou simplement les déterminismes façonnent et bouleversent le cours de l’existence et conduisent presque malgré lui l’être humain à la violence et au tragique. Paradoxalement, malgré cette violence qui va crescendo, on ressent comme de l’empathie pour tous ces personnages pris dans un engrenage qui les dépasse et qui ne sont pas dépourvus d’humanité car ce récit est une allégorie de la possible absurdité de notre condition, une parabole illustrant ce que pourrait être notre destin si un élément déclencheur venait à traverser le cours de notre existence. Sans forcer le trait, on est amené à penser à Camus.

Ce n’est pas un polar mais un roman noir, à lire absolument si l’on veut découvrir une belle littérature, en sachant que la violence y est tellement bien traitée que mêmes les âmes sensibles sauront prendre la distance qui convient pour apprécier ce beau morceau de littérature. Un roman puissant dont je ne suis pas étonné qu’il ait attiré l’attention d’un journaliste de Télérama.

La Fauve, de Yvan ROBIN, éditions Lajouanie, septembre 2022, 176 pages, 15 €.

 

 

Partager cet article
Repost0

commentaires