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11 juillet 2012 3 11 /07 /juillet /2012 16:34
Extrait du Christ jaune, Editions L’harmattan, 2011

Vienne, le 25 mars 2009, 20 heures 30

Le froid était revenu sur la capitale autrichienne. Magda savait que la soirée allait être difficile. Depuis cinq ans qu’elle tapinait dans ce quart...ier sordide qui bordait le Ring, elle en avait pris l’habitude. Blottie dans l’angle d’une porte d’immeuble, elle se tenait adossée au vantail, sa main serrant le col de son manteau, guettant d’un œil l’avenue afin de repérer un hypothétique client. Les passants étant rares, elle ne pouvait guère compter que sur les automobilistes qui circulaient à une dizaine de mètres d’elle. Faiblement éclairée par la lumière d’un réverbère, on pouvait apercevoir sa mince silhouette et les habitués qui passaient là ne pouvaient ignorer la raison de sa présence. Ce quartier était réputé pour cela. Dans cette capitale rigoriste, il n’était pas question pour elle de pratiquer son métier dans le centre-ville où la police exerçait une présence constante. La prostitution était reléguée en périphérie, là où elle devenait moins voyante et où les clients savaient pouvoir trouver facilement des filles qui s’égrenaient dans la pénombre le long de l’immense avenue. Par ce froid glacial, Magda ne s’attendait pas à voir venir à elle beaucoup de clients. Deux ou trois lui suffiraient amplement pour survivre quelques jours et peut-être mettre de côté une cinquantaine d’euros.

Celui qui s’arrêta devant elle ne descendait pas d’un véhicule. Il était arrivé à pied sans qu’elle l’ait vu venir. Elle avait sursauté en l’apercevant. L’homme, d’âge mûr, avait de l’embonpoint et sa mise était celle d’un bourgeois. A l’évidence, ce client avait de l’argent et cela suffisait à Magda qui lui emboîta le pas. L’homme lui prit même le bras, ce qui surprit la jeune femme. Il s’exprimait dans un allemand presque parfait mais elle devina à son allure qu’il était français.

-Nous allons devoir faire un peu de chemin en marchant, lui précisa-t-il. Mon hôtel est à quinze minutes d’ici. Je te commanderai un taxi pour repartir.

La réception de l’hôtel était bondée. Des touristes encombraient le passage avec d’imposants bagages et accaparaient l’attention des employés. Magda préférait cela. Les deux réceptionnistes l’auraient facilement identifiée et, dans cet hôtel de standing, mieux valait passer inaperçue. L’homme avait passé son bras sur ses épaules pour traverser le hall. Comme un couple d’amoureux. Elle avait trouvé cela bizarre et elle en avait presque été émue. C’était agréable. Ils prirent l’escalier. La chambre de son client se situait au deuxième étage. La porte se referma sur eux offrant à Magda le spectacle d’une pièce luxueuse au charme un peu démodé. Il y faisait chaud. Une sensation de bien-être la gagna et elle laissa tomber sur le lit son manteau encore imprégné du froid humide ramené de l’extérieur. Elle n’eut pas le temps d’aller plus avant. Une lame s’enfonça dans son dos. Magda s’affaissa sur la moquette sans avoir eu vraiment le temps de réaliser ce qui lui arrivait.
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Photo : Extrait du Christ jaune, Editions L’harmattan, 2011 Vienne, le 25 mars 2009, 20 heures 30 Le froid était revenu sur la capitale autrichienne. Magda savait que la soirée allait être difficile. Depuis cinq ans qu’elle tapinait dans ce quartier sordide qui bordait le Ring, elle en avait pris l’habitude. Blottie dans l’angle d’une porte d’immeuble, elle se tenait adossée au vantail, sa main serrant le col de son manteau, guettant d’un œil l’avenue afin de repérer un hypothétique client. Les passants étant rares, elle ne pouvait guère compter que sur les automobilistes qui circulaient à une dizaine de mètres d’elle. Faiblement éclairée par la lumière d’un réverbère, on pouvait apercevoir sa mince silhouette et les habitués qui passaient là ne pouvaient ignorer la raison de sa présence. Ce quartier était réputé pour cela. Dans cette capitale rigoriste, il n’était pas question pour elle de pratiquer son métier dans le centre-ville où la police exerçait une présence constante. La prostitution était reléguée en périphérie, là où elle devenait moins voyante et où les clients savaient pouvoir trouver facilement des filles qui s’égrenaient dans la pénombre le long de l’immense avenue. Par ce froid glacial, Magda ne s’attendait pas à voir venir à elle beaucoup de clients. Deux ou trois lui suffiraient amplement pour survivre quelques jours et peut-être mettre de côté une cinquantaine d’euros. Celui qui s’arrêta devant elle ne descendait pas d’un véhicule. Il était arrivé à pied sans qu’elle l’ait vu venir. Elle avait sursauté en l’apercevant. L’homme, d’âge mûr, avait de l’embonpoint et sa mise était celle d’un bourgeois. A l’évidence, ce client avait de l’argent et cela suffisait à Magda qui lui emboîta le pas. L’homme lui prit même le bras, ce qui surprit la jeune femme. Il s’exprimait dans un allemand presque parfait mais elle devina à son allure qu’il était français. -Nous allons devoir faire un peu de chemin en marchant, lui précisa-t-il. Mon hôtel est à quinze minutes d’ici. Je te commanderai un taxi pour repartir. La réception de l’hôtel était bondée. Des touristes encombraient le passage avec d’imposants bagages et accaparaient l’attention des employés. Magda préférait cela. Les deux réceptionnistes l’auraient facilement identifiée et, dans cet hôtel de standing, mieux valait passer inaperçue. L’homme avait passé son bras sur ses épaules pour traverser le hall. Comme un couple d’amoureux. Elle avait trouvé cela bizarre et elle en avait presque été émue. C’était agréable. Ils prirent l’escalier. La chambre de son client se situait au deuxième étage. La porte se referma sur eux offrant à Magda le spectacle d’une pièce luxueuse au charme un peu démodé. Il y faisait chaud. Une sensation de bien-être la gagna et elle laissa tomber sur le lit son manteau encore imprégné du froid humide ramené de l’extérieur. Elle n’eut pas le temps d’aller plus avant. Une lame s’enfonça dans son dos. Magda s’affaissa sur la moquette sans avoir eu vraiment le temps de réaliser ce qui lui arrivait.
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